Archives de l'Aide-mémoire>Aide-mémoire n°75

La société « Memorial »

Par Jean-Louis Rouhart

La société internationale « Memorial », créée en 1989 à Moscou par le célèbre physicien et dissident Andreï Sakhazrov, est une ONG axée sur la défense des droits de l’Homme. Elle est extrêmement active dans le travail de mémoire et dans l’aide juridique et matérielle à apporter aux anciennes victimes des répressions politiques sous le régime soviétique, c’est à dire essentiellement les prisonniers du Goulag (jusqu’en 1956) et tous les détenus ayant été internés pour des raisons politiques ou raciales en URSS jusqu’à la dissolution du régime en 1991.

(cc) Alexeï Kouprianov

(cc) Alexeï Kouprianov

C’est à la société « Memorial » que l’on doit, entre autres, l’instauration de la loi de 1991 relative à la réhabilitation des victimes des oppressions politiques en Russie ainsi que la commémoration officielle de ces victimes en Russie le 30 octobre. C’est également à l’initiative de cette société que fut posé, devant la sinistre prison de la place Loubianka à Moscou, un bloc de pierre des îles Solovki pour commémorer la construction des premiers camps correctionnels de travail durant les années vingt.

Soucieuse de communiquer avec un très large public, la société a établi une banque de données actualisée portant sur 2,6 millions de victimes du Goulag et conserve dans ses archives toute une série de documents relatifs à l’histoire de ce système d’internement et à la vie quotidienne dans les prisons et les camps. Ainsi, on y trouve nombre de pièces officielles concernant l’arrestation, les perquisitions, les jugements, les décès, les demandes de révision, la libération ainsi que la réhabilitation des détenus. Sont conservés également un grand nombre de documents écrits et artistiques réalisés durant la détention des zeks, tels que des poèmes, des journaux intimes, des esquisses, des portraits, des photographies, ainsi que des objets artisanaux confectionnés dans les camps. Il faut mentionner également les nombreuses lettres et billets échangés entre les prisonniers et leurs familles, les témoignages écrits et oraux des anciens prisonniers, les mémoires, les récits autobiographiques, sans oublier l’importante littérature secondaire (biographies, études, etc.) qui s’est développée sur le thème des répressions en URSS.

Ajoutons que la société organise des expositions, des séminaires pour les enseignants, des forums de discussion, des concours à l’intention des écoles et publie régulièrement des études et des analyses portant sur les résultats de ses recherches sur le Goulag.

Par ailleurs, la société se bat pour que soient enfin publiés les documents attestant l’assassinat des officiers polonais par l’armée soviétique à Katyn et s’intéresse au sort des « victimes des deux dictatures », à savoir les prisonniers de guerre et les travailleurs forcés de l’Union soviétique qui furent, durant la période qui suivit leur libération dans les camps de concentration nazis, l’objet de poursuites du régime stalinien.