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Mémorandum de l’association Les Territoires de la Mémoire dans la perspective des élections communales et provinciales 2018 et dans le cadre plus large de son 25e anniversaire

Par la rédaction

Préambule

  • Un mémorandum est une « note écrite adressée par un agent diplomatique au gouvernement auprès duquel il est accrédité pour exposer le point de vue de son gouvernement sur une question qui fait l’objet de négociations » (Le Robert). Dans le champ associatif, un mémorandum est un texte court adressé par une association aux pouvoirs publics ou aux partis politiques pour exposer son objet social et les enjeux sur lesquels elle souhaite attirer l’attention, et qui feront l’objet d’une négociation.
  • En théorie, une commune peut faire tout ce qui ne lui est pas interdit même si elle a un spectre de compétences rarement exclusif au sens où elle est rarement la seule compétente pour telle ou telle matière. Ce mémorandum s’adresse aux pouvoirs communaux et provinciaux en sachant que d’autres niveaux de pouvoir sont également nécessaires pour l’action publique.

Lutter contre les extrémismes

La course au « centre » qui anime de nombreux acteurs politiques provoque un désenchantement démocratique et l’impression qu’il est de plus en plus difficile d’agir sur notre destin par la voie traditionnelle (élections, représentions, partis politiques, coalitions, etc.). Ce phénomène tend à légitimer les idées et les actes extrémistes qui deviendraient les seuls à pouvoir changer le cours des choses. Notre association s’inquiète de la multiplication et de la banalisation des propos et des discours extrémistes et rappelle que les actes de barbaries les plus abjects dans le passé ont tous été précédés d’une période de libération de la parole. La lutte contre la xénophobie, l’homophobie, l’antisémitisme, le racisme et le sexisme passe par l’action citoyenne et par l’usage de la loi (dépôt de plainte), mais aussi et surtout par la légitimité que les pouvoirs publics locaux peuvent donner à ces actions en les soutenant et en leur donnant une visibilité. Ce qui précède prendra aussi toute son importance dans la perspective des élections régionales, fédérale et européenne de 2019.

Éduquer à la citoyenneté

La lutte contre les extrémismes implique le respect de l’autre qui lui-même dépend de la capacité critique des citoyens face à des discours simplistes qui mobilisent des ennemis imaginaires et des boucs émissaires. Notre association rappelle aux pouvoirs publics l’importance de l’éducation à la citoyenneté qui passe par l’engagement dans les affaires publiques, l’attention portée aux débats d’idées et le sentiment de responsabilité pour le futur. Ce qui précède est d’autant plus important dans le secteur de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur où l’individu devient à des degrés divers un citoyen, et dans le domaine des médias et des réseaux sociaux où l’individu peut être renforcé dans cette logique ou, au contraire, se laisser guider par d’autres voix que la raison, des voix portées directement ou indirectement par des acteurs politiques ou par des journalistes peu scrupuleux.

_« Tous nous devons savoir ou nous souvenir que lorsque Hitler ou Mussolini parlaient en public, ils étaient crus, applaudis, admirés. Les idées qu’ils proclamaient étaient en général aberrantes, stupides, cruelles et pourtant, ils furent acclamés et suivis jusqu’à la mort par des milliers de fidèles. Ces fidèles n’étaient pas des bourreaux nés, mais des hommes quelconques, ordinaires, prêts à croire et à obéir sans discuter. Il faut donc se méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d’autres voix que celle de la raison. » Primo Levi _

Le cadre législatif qui organise l’enseignement et l’univers médiatique, en ce compris Internet, offre de multiples opportunités pour rappeler la responsabilité sociale des acteurs concernés par rapport aux valeurs qui fondent l’État belge et ses principales composantes. Notre association insiste auprès des pouvoirs publics pour qu’ils mobilisent ces moyens sans céder à ceux qui prétendent que toute critique ou tout avertissement en la matière serait une atteinte à la liberté de l’enseignement, à la liberté de la presse ou plus généralement à la liberté d’expression.

Utiliser le passé pour préparer l’avenir

Notre association vise à développer l’éducation à la citoyenneté et à la résistance en favorisant la transmission de la Mémoire d’événements historiques graves qui interpellent la conscience collective, en particulier les crimes de génocides, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerres, c’est-à-dire tous les crimes qui constituent une violation grave des droits fondamentaux. Dans ce contexte, nous invitons les pouvoirs publics à être très vigilants vis-à-vis des tentatives pour banaliser et donc relativiser (voire nier) certains crimes en les associant à toutes sortes de faits certes dramatiques mais qui ne relèvent pas d’une violation grave des droits fondamentaux. Nous pensons notamment, c’est un exemple parmi d’autres, au négationnisme qui vise le génocide des Tutsis au Rwanda ou le génocide des Arméniens.

Par ailleurs, nous insistons sur le rôle particulièrement néfaste que peuvent parfois jouer des réseaux sociaux dont la logique marchande favorise le mensonge et l’oubli, des réseaux qui à ce jour bénéficient d’une immunité inacceptable au regard des obligations qui incombent aux journalistes professionnels, aux mandataires politiques et à toutes personnes qui détiennent des responsabilités dans un État de droit démocratique.

Éviter le tout sécuritaire et défendre des droits pour tous

Le débat autour de la criminalisation des migrants et des violations de domicile a suscité l’ouverture d’une réflexion riche, vive et intense sur notre rapport aux migrants, bien au-delà des clivages politiques et des différences entre le nord et le sud du pays. Plusieurs associations aux objets sociaux différents et proches de partis politiques différents se sont coalisées, chacune avec son expertise, pour dénoncer la diabolisation du migrant devenu voleur, profiteur ou terroriste. Certaines structures l’ont fait au nom des droits fondamentaux, d’autres pour dénoncer la xénophobie latente derrière la politique migratoire et les centres fermés, d’autres pour dénoncer les violences policières ! Des associations ont cherché à protéger les mineurs quand quelques acteurs voulaient simplement défendre notre Constitution.

L’association Les Territoires de la Mémoire n’est pas généraliste, elle éduque à la résistance et à la citoyenneté en mobilisant le passé pour mieux comprendre le présent, et agir pour le futur. C’est un objet social très ciblé qui ne permet pas de dénoncer tout et n’importe quoi, et nous y sommes très attentifs ! Mais lorsqu’on persécute des réfugiés qui fuient la terreur et qu’on essaie de les renvoyer chez eux, la question de la démocratie se pose, et il est légitime de faire des liens avec les périodes les plus sombres de l’histoire contemporaine en Europe. Dans ce contexte, nous invitons les pouvoirs publics à intégrer en priorité les principes de solidarité et de respect de la dignité humaine lorsqu’il s’agit de politiques publiques en matière d’accueil des migrants en situation irrégulière.

L’asbl Les Territoires de la Mémoire soutient toute initiative communale ou provinciale visant à l’instauration du statut de « commune/province hospitalière ». En effet, par le vote d’une motion, la commune et/ou la province peuvent s’engager à améliorer l’information et l’accueil des personnes migrantes – quel que soit leur statut – pour une politique migratoire basée sur l’hospitalité, le respect des droits humains et les valeurs de solidarité.