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Ni Dieu, ni halušky : nouvelle publication aux Territoires de la Mémoire

Par la rédaction

Ce mois d’octobre voit la parution, dans la collection « Libres Écrits », du troisième livre de Jean-François Füeg aux éditions des Territoires de la Mémoire. Fidèle à son habitude, l’auteur plonge dans son histoire familiale pour en exhumer des questionnements à la portée plus vaste. Dans Ni Dieu, ni halušky, le concept de « stress identitaire » est interrogé. Comment appréhender son identité quand celle-ci s’est forgée par la dissimulation, le refoulement voire le mensonge ? Peut-on apprendre à connaître et à accepter l’Autre si on ne se connaît pas et ne s’accepte pas d’abord soi-même ? Voici les questions que, parmi d’autres, ce remarquable ouvrage laisse à notre appréciation.

Couverture du livre de Jean-François Füeg : Ni Dieu, ni halušky

Jean-François Füeg, Ni Dieu, ni halušky, Liège, Territoires de la Mémoire, 2019, 9€

« À force d’avancer masqué, on finit par douter de sa propre existence. Ma mère avait louvoyé toute sa vie, en évitant soigneusement de révéler ses origines. Elle avait dû ruser, adopter consciencieusement les comportements et les usages du groupe qu’elle avait intégré. Elle avançait dans l’existence comme si le chemin était semé d’embûches, comme si elle s’attendait à ce qu’un ennemi en embuscade lui tombe sur le dos à tout moment, afin de désigner aux yeux de tous, la fille du boucher slovaque.

L’intuition que notre famille souffrait de stress identitaire m’est venue vers vingt ans sans que je puisse définir précisément les contours de ce mal. Nous n’étions ni nostalgiques, ni déracinés, nous partagions les valeurs et la culture d’un pays dans lequel nous étions tous nés et notre assimilation impeccable se traduisait par une méconnaissance quasi-totale des langues des pays d’où, moins de quarante ans plus tôt, nos aînés avaient émigré. En fait, c’est précisément le déficit identitaire qui nous caractérisait ou plutôt le rejet méthodique de tout ce qui aurait pu nous relier aux patries de nos ancêtres. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris que c’était précisément cette absence, ce manque de repères qui avait pesé sur nos relations familiales. »

Jean-François Füeg est historien, il a été archiviste et a publié une cinquantaine d’articles sur des questions touchant à l’histoire du XXe siècle, en particulier de l’entre-deux-guerres. Il est notamment l’auteur de Jozef Bielik n’est pas un héros (Les Territoires de la Mémoire, 2013) et Les oreilles des éléphants (Weyrich, 2017), Robert Füeg n’est pas un salaud (Les Territoires de la Mémoire, 2018) et Notre été 82 (Weyrich, 2019)