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Le Mot du président (97)

Par Jérôme Jamin

L’homosexualité dérange les partis d’extrême droite parce qu’elle touche à l’identité qui est au cœur de son programme politique. L’identité à l’extrême droite n’est pas une construction sociale susceptible d’évoluer et de faire débat, elle est la base quasi-biologique de la vie, de l’homme et de la femme, de la famille, du peuple et de la nation. Si on tolère qu’elle puisse prendre une autre forme et changer de visage, on ouvre la porte à la dégradation, l’appauvrissement, la décadence, et au final à la maladie et à la mort. Pour l’extrême droite, l’identité nationale passe par l’identité des familles et des individus, et donc par leur position et leur rôle dans un ensemble hiérarchisé, notamment au niveau sexuel : « ne devient pas homme ou femme qui veut ! »

Jérôme Jamin

La récente législation votée en Hongrie pour lutter, entre autres, contre la « promotion » de l’homosexualité s’inscrit dans cette perspective ! Mais pour éviter d’opposer des partis démocratiques qui seraient « pro » homosexualité et des partis d’extrême droite qui seraient « anti », il faut préciser deux ambiguïtés qui participent à la virulence des propos des uns contre les autres, dans les deux camps !

La première ambiguïté réside dans la différence fondamentale entre ceux qui souhaitent avoir un droit bien légitime à une vie homosexuelle et ceux qui désirent militer ouvertement pour favoriser des changements législatifs. Les premiers peuvent se contenter d’une vie homosexuelle à titre privé, sans exiger le droit au mariage, à l’adoption ou à un quelconque avantage en termes de droits de succession lors d’un décès après une vie commune ; les seconds par contre affichent publiquement leur choix de vie sexuelle et estiment qu’il est nécessaire de lutter contre des discriminations qui favorisent le modèle traditionnel familial regroupant un homme et une femme (si possible marié, et si possible à l’église). En général, l’extrême droite est capable de fermer les yeux sur la première catégorie d’individus mais en revanche, elle est extrêmement hostile à la deuxième qui regroupe ceux qui veulent politiser la question de l’homosexualité pour obtenir des droits. Ces derniers représentent une menace évidente pour l’identité et la place de chacun dans la société.

La deuxième ambi-guïté réside dans la médiatisation de ces enjeux, avec par ricochet l’entrée de ces derniers à l’école dans le cadre des cours qui touchent aux questions de société à côté du droit à l’avortement, l’usage des drogues, le réchauf-fement climatique, etc. Certains y voient de l’éducation permanente qui doit naturellement toucher des jeunes bien avant la majorité afin de préparer leur esprit critique pour le futur. D’autres, notamment à l’extrême droite, y voient une invitation délibérée à la vie homosexuelle déguisée en « éducation sexuelle » dans le cadre d’un vaste complot qui vise à détruire les identités nationales, linguistiques, culturelles et sexuelles. Un complot porté par des mondialistes cosmopolites de gauche, hostiles à l’idée nationale et aux valeurs traditionnelles. Si cette dernière interprétation peut prêter à sourire, elle est souvent renforcée par l’hypermédiatisation qui peut donner l’impression d’une force internationale « pro-homosexualité » lors de l’ouverture de certains journaux télévisés ou en première page de certains quotidiens. Et cette logique est impitoyable, plus les hauts responsables politiques européens condamnent, plus des leaders d’opinion dénoncent, plus des joueurs de foot ou des stars de la musique s’indignent, plus l’impression d’une force coordonnée contre les valeurs traditionnelles fait son chemin à l’extrême droite.

Au final, on voit bien à quel point l’Europe – géant économique, nain politique – va encore avoir du mal à s’intégrer dans le futur. L’enjeu : arriver à parler d’identité positivement sans diviser, et sans emprunter à l’extrême droite…